~ Kiri
~ Centre ville
~ A une époque imprécise
~ Solo'
'M'appelle Ichiyoshi Daofei, fille de Fukuwara Daofei et petite-fille de l'illustre marchand Motozawa Daofei. Cela va faire près de quatre-vingt longues et douloureuses années que je vis ici-bas, en attendant impatiemment le moment où je trépasserai pour pouvoir me réincarner en quelque chose de neuf et beau. Bah ouais, pac'que pour l'instant, on ne peut pas vraiment dire que je sois quelque chose que l'on pourrait qualifier de beau. Un sac d'os mous supportant une tête ronde coiffée de longs et fins cheveux blancs, voilà ce que je suis. En attendant le moment où je n'aurai plus à supporter cette enveloppe corporelle infecte, je passe mes journées dans un petit immeuble de Kiri, village qui a vu cinq générations de Daofei naître, vivre, prospérer, chuter, remonter, retomber plus bas que la première fois, pour enfin s'éteindre avec moi. Oui, ce sera moi qui emporterai toutes ces décennies en quelques secondes : n'ayant pas de progéniture, à la seconde où je mourrai, tous les Daofei s'éteindront avec moi. Triste n'est-ce pas ?
C'est donc pour me remonter le moral qu'une fois par semaine, je sors de mon petit chez-moi et je traîne ma carcasse jusqu'au bureau de la Kage pour demander un peu d'aide pour le ménage, les courses, ou tout simplement de la compagnie. Payer n'est pas un problème pour moi, car comme je l'ai dit plus haut, mon grand-père, le grand Motozawa, était un marchand à qui la chance a souri. Tous ses trésors sont logiquement arrivé jusqu'à moi, et me permettent aujourd'hui d'égayer mes journées, aider mon village, et emmerder par la même occasion les genin dudit village. Dans ma jeunesse, j'avais moi aussi voulu être ninja, arpenter le monde en quête de combats, me trouver des amis sur lesquels j'aurais pu conter, amasser du pouvoir et devenir la plus forte kunoichi du monde. A l'époque, j'étais en compétition avec une certaine Chiyo appartenant au village du sable. C'était une sorte de rivale que j'avais rencontré lors d'une mission par delà les limites de la mer. A cette même époque, j'étais arrogante et sûre d'être la meilleure – ce dont je suis toujours sûre aujourd'hui. J'avais engagé le combat naïvement et sans raisons, et m'étais faite écraser. En rentrant au village, on découvrit que j'avais été la cible d'un poison à retardement mais dévastateur. Personne ne réussit à trouver l'antidote, et je dus arrêter la pratique de l'art shinobi, ne pouvant plus manipuler mon chakra. C'est donc en quelque sorte pour me venger que j'employais des ninja en herbe pour mes basses besognes, en essayant de me représenter le visage de Chiyo à la place de leur figure joviale et innocente. Dégueulasse n'est-ce pas ?
Comment ? Vous voulez entendre une de mes fabuleuses journées ? Pas d'problèmes les enfants ! Ah, en voilà une qui m'a particulièrement marqué ...
C'te fois-là d'ailleurs, il faisait gris. Un peu comme tout le temps vous m'direz. Oui, un peu comme tout l'temps,mais ce gris était beaucoup plus gris que les autres. Une certaine pression pesait sur la tête de tout le monde, et tout le monde la ressentait. Un certain malaise s'était instauré dans la rue où ce petit gamin devait me retrouver. Il ne pleuvait pas encore, mais tout le monde était chez lui. Les rares badauds qui étaient dehors étaient des ivrognes qui refaisaient le monde. Une nouvelle tâche venait de se créer pour mon soufre-douleur d'une journée : faire déguerpir les pauvres hommes qui souillaient l'allée sur laquelle mes pauvres jambes se posaient. Assise sur mon petit banc, j'attendais patiemment que ma petite victime montre le petit bout de son nez. Après une dizaine de minutes d'attente et quelques pièces données à un mendiant, il arriva. Il fixait le sol et avançait les bras ballants, en évitant soigneusement de se rapprocher des pauvres hommes qui déliraient sur le bord de la route. Oh oui, l'obliger à faire partir ces mecs serait jouissif, c'moi qu'vous l'dit !
Je le détaillai rapidement et essayai de le jauger. Il ne faisait pas spécialement froid, et pourtant il était sous des couches et des couches d'habits mystérieusement tous bleus. Du petit chapeau aux bottes, ce n'était qu'une tache bleue en mouvement. Une sacoche et une écharpe blanche le complétait. Son visage caché, je ne pouvais deviner son âge, mais sa taille penchait plus vers l'homme que l'enfant. Mais si c'était un adulte, comment se faisait-il qu'il était venu pour ma mission, alors qu'elle n'était que de rang D, donc destinée aux nabots ? Et puis, pourquoi avançait-il comme un dépressif, tout lentement, sans regarder devant soi ? La Mizukage m'avait-elle envoyée un ninja que je ne pourrai pas utiliser à ma guise pac'que les précédents s'étaient plaints ? Oh, si c'était ça, elle allait m'entendre cette bonne petite femme. Chef ou pas, on ne cassait pas les petits plaisirs d'Ichiyoshi Daofei ! Si la mission ne se passait pas comme je le voulais, les caisses du village pouvaient oublier tous les trésors que renfermait ma petite maison, j'vous l'assure !
Ma colère se dissipa quand mon esclave sa planta enfin devant moi. Je me levai à mon tour pour lu faire face et montrer que c'était moi qui commandait, mais la taille que j'avais estimée un peu plus tôt n'était pas un effet d’optique due à la distance. Il faisait au moins deux têtes de plus que moi !Je dirai même plus, deux têtes de plus et soixante-dix ans de moins ! Ah, cette petite catin avait vraiment décidé de me gâcher ma journée en m'envoyant quelqu'un que je pouvais contrôler ! Après l'étonnement passé, je relevai la tête pour fixer le garçon les yeux dans les yeux. Et ce que j'y vis m'ébranla encore plus. Derrière ses grandes pupilles violettes se cachait un grande peur. Ce gamin n'avait sûrement pas beaucoup d'expérience dans le métier, et ça s'voyait. Son visage était inexpressif à part ses yeux qui fuyaient les miens et qui fixaient toujours le sol. Finalement, j'allais p'tete passer un bon quart d'heure.
« - Bonjour petit. Je suis Ichiyoshi Daofei, petite-fille de Motozawa Daofei, l'illustre marchand, me présentai-je. Si j'ai fait appel à toi, c'est que j'ai une mission à faire pour toi ... Et si tu es un bon garçon, t'auras même une petite récompense à la fin ! m'exclamai-je, en faisant tinter une petite bourse remplie d'argent. Mais attention, une seule erreur, et tu peux dire adieu à ta paye, comme ton village ! »
Je lui avais déblatéré le discours habituel. On commence par montrer qu'on est pas une merde en citant l'Ancêtre. Puis on appâte le gamin avec des sousous pour lui faire croire qu'on est finalement qu'une vieille mamie sénile en quête de compagnie. Et pour finir, on le menace de tout perdre, pour lui mettre la pression. Ces quatre petites phrases avaient toujours marché depuis que je j'avais commencé à faire appel à ces jeunes. A la fin, tous commettaient une erreur et s’enfuyaient en courant, ce qui m'emplissait d'une bouffée de joie. Mais cette fois, le ninja ne réagit pas. Il me donna simplement son nom – quelque chose comme Moetirf, puis attendit mes instructions. Il ne pouvait pas être un peu plus divertissant ?
Au lieu de tout lui expliquer, j’entamai une lente et pénible marche, et il m’emboîta le pas docilement, toujours silencieusement. J'avais décidé d'y mettre un peu du mien cette fois, et je l'accompagnais donc pour faire mes petites courses. Habituellement, je laissais les genin tout faire de A à Z, et j'inventais à la fin un problème dans leur travail pour ne pas les récompenser comme j'aurais du. Mais là, je voulais que ce problème arrive vraiment, et j'avais décidé de le provoquer moi-même. Pas de cadeau à ce petit pas rigolo du tout ! Et puis, si jamais mon petit manège ne marchait pas, il me restait toujours la mission de nettoyage des ivrognes.
Le soleil venait timidement lorsque nous sortîmes de la dernière échoppe à visiter. Pour tout vous dire, on les avait toutes faites. La boucherie, la boulangerie, le primeur, la droguerie, l'épicerie, la cordonnerie, la forge, la menuiserie, et bien sûr la poissonnerie, où ce Moetirf avait l'air un peu embarrassé – sa première émotion visible depuis une demi-heure ! C'était la première fois que je dépensais autant d'argent lors des mes emplettes en compagnie d'un ''porteur''. Et malheureusement, cela n'avait servi à rien. Alors évidemment, j'avais maintenant tout ce qu'il me fallait pour survivre enfermée chez moi pendant un bon mois. Mais le but principal de cette mission n'avait pas été atteint. En effet, malgré toutes mes gesticulations, cris, croche-pieds et remarques acerbes, il n'avait pas fait un seul faux-pas. Pour y échapper, il avait usé de liquéfaction et d'esquives habiles, avant de créer un clone pour ''me tenir compagnie'', ou plutôt m'empêcher de continuer à le gêner. Pas si conne que ça la trouillarde muette !
Une fois revenu à notre point de départ, je m'assis, exténuée, sur le banc sur lequel il m'avait rencontré. Pendant que je respirais bruyamment après tous ces efforts inhabituels, il se planta à nouveau devant moi. Il attendait sûrement que je le congédie avec un grand sourire et des remerciements, et que je lui dise que tous les pièges que je lui avais tendu n'était que pour rire. Je fus tenté un instant de lui dire ça, avant de le regarder à nouveau dans les yeux. Sa sérénité et neutralité faciale m'horripilaient pour une raison inconnue. Peut-être cette inexpressivité me rappelait-elle celle que j'avais entrevue pendant le combat contre Chiyo il y a des dizaines d'années ? Je n'aurai pu le dire. Tout ce que je savais, c'est que je voulais faire chier ce môme autant que la vue de sa face m'emmerdait. J'arrêtai de le fixer pour regarder les derniers hommes enivrés disparaître dans les petites ruelles qui composaient Kiri. Effondrée, je me levai tout en m'appuyant sur un petit meuble que j'avais acheté auparavant. Des larmes de rage me montaient, mais je n'avais pas du tout l'intention de m'abaisser à pleurer devant ce petit crétin. Il avait détruit ma journée, et je ne permettrai pas que cela se passe ainsi.
Il est vrai que j'avais été obligée d'arrêter ma formation de ninja après avoir été dépossédée de l'utilisation de mon chakra. Mais j'avais toujours un kunaï cachée dans ma manche droite, pour me rappeler mes belles années de jeunesse, et pour me défendre au cas où un agresseur de pacotille aurait voulu s'en prendre à moi. Aujourd'hui encore, il y était. C'était bien la seule chose qui était à sa place aujourd'hui. Je souris du mieux que je pus pour ne pas lui indiquer mes intentions, tout en balançant vivement mon bras droit parallèlement au sol afin que la lame de kunaï tranche son cou. Enfin, je croyais que l'avoir fait rapidement. Car, pendant les quelques secondes avant que mon bras ne l'atteigne, il eut le temps de tranquillement se retourner et s'en aller avec un signe de la main, sans voir mon geste mortel. Ma vitesse de jadis n'était plus apparemment. Il s'en alla donc ainsi, tranquillement, sûrement le goût du travail difficile accompli dans la bouche. Je n'essayai même pas de le rattraper, préférant aller me lamenter sur mon pauvre destin dans ma maison. Je m'en allai donc moi aussi, laissant derrière moi la nourritures, les habits ainsi que les meubles.
Depuis ce jour, je continue de faire appel aux ninja de Kiri pour m'aider dans mes taches quotidiennes, en espérant secrètement revoir un jour ce Moetirf Kuzo, afin que je me venge une bonne fois pour toute.